Selon la légende, la Jordanie est un pays créé et dessiné dans un bureau du Caire par Churchill, alors secrétaire d’Etat britannique aux colonies, en moins d’une heure avec une règle, un crayon et une bouteille de Scotch. Depuis 1947, cette terre taillée dans le désert est la propriété de la dynastie Ashémite. Si ce pays ne reste pas gravé dans ma mémoire comme un des plus beaux, sa situation géographique au cœur du Proche-Orient et son ouverture au monde et à la modernité en fait un pays très particulier dans une région marquée par le fondamentalisme religieux et un nationalisme arabe exacerbé. Ce royaume éclairé a parfois préféré l’entente avec son voisin israélien malgré les pressions de ses voisins. En tout cas, il a beaucoup perdu à entrer en guerre contre Israël: ça lui a couté la perte de Jérusalem en 1967 et l’afflux de réfugiés qui ont plus d’une fois mis le royaume en péril.
Ce pays vit sous tension et tout événement dans la région est directement ressenti dans ce petit pays. Cette tension est très vive à Amman, capitale qui concentre toutes les activités du pays. Cette capitale expose à elle seul tous les paradoxes du pays. Bourgade aux portes du désert, devenue tentaculaire sur les collines environnantes, la pauvreté de l’Est et du centre-ville traditionnel contraste avec la modernité et le luxe des quartiers de l’Ouest où se concentre une classe d’affaire riche, et souvent étrangère.Contrairement à ses voisins irakien, saoudien ou même israélien, ce pays ne comporte aucune ressource naturelle en grande quantité, que ce soit le pétrole, l’uranium ou l’eau. Sa survit passe donc par le développement de l’éducation, du commerce, du tourisme et des finances mais aussi par l’aide américaine. Les défis de ce petit pays sont majeurs. Ce royaume compte plus de réfugiés palestiniens et iraquiens que de citoyens proprement jordaniens. La pauvreté grandit et nourrit l’Islam radical menaçant ainsi la stabilité du régime. Si le feu roi Hussein, divinisé par son peuple basait l’équilibre de son régime sur de long dialogue avec les différente tribus bédouines, son fils, le roi Abdullah II a accéléré le virage vers la modernité. Aujourd’hui ce pays avance à deux vitesses. La récente hausse des prix rend la vie encore plus difficile pour une population qui vit pour plus d’un quart sous le seuil de pauvreté.
La situation est explosive. En ce printemps arabe, j’assiste depuis les toits du vieux Amman, à ce désire de changement et de réforme. Trop respectueuse de son roi, la foule s’en prend au gouvernement et réclame sa démission. « Allah ou Akbar » (Dieu est grand) est plus retentissent que n’importe quel autre slogan politique. Les policiers distribuent de l’eau et du jus d’orange. Si la situation ne dégénère pas comme en Egypte, la semaine suivante, le gouvernement démissionne qu’en même. Le roi veille!